mercredi 20 janvier 2016

La barbe bleue (conte pré Amélie Nothomb qui me piqua mon idée, la fourbe)

Barbe bleue.

Il était une fois, il y a bien longtemps, un homme qui s'ennuyait. Il s'ennuyait voyez vous, parce qu'à 45 ans tout rond, il avait la nostalgie de son passé aventureux, des longues chevauchées sur sa Harley, des fêtes jusqu'à pas d'heure, et des petites nanas d'un soir.
Un jour, le regret se faisant si amèrement sentir, il n'hésita pas: il sortit sa vieille moto du garage. Profitant de l'absence de sa femme, il fouilla les placards pour retrouver ses habits de cuirs, et puisqu'il n'en était plus à une folie près, il se savonna longuement la chevelure et la barbe au bleu de méthylène. Le résultat lui plût beaucoup.
Ensuite, laissant un petit mot à son épouse comme quoi, il reviendrait bientôt, il enfourcha sa Harley et partit.
Il roula longtemps et finit par arriver dans le village où il avait grandi. Naturellement, avec une telle apparence personne ne le reconnut. Les gens sur son passage le dévisageaient, et disaient:
-Quel est cette drôle de barbe bleue? En voila un qui doit être pourvu de biens pour afficher sans sourciller pareille excentricité.
Se souciant peu des commérages, il prit ses quartiers dans la maison de sa jeunesse, qui pour toute abandonnée qu'elle était, en conservait pourtant un certain cachet.
Il retrouva avec plaisir des choses inchangées. Sa chambre était encore décorée de vieux posters de groupes qu'il avait adoré. Et, cerise sur le gâteau, dans un coin, posée contre son ampli l'attendait la première femme de sa vie... Sa gibson!
Trop heureux, il se jeta sur l'instrument, régla le volume à fond, et attaqua «I was made for lovin you». L'instrument qui avait été laissé à l'abandon de nombreuses années explosa un son qui retentit fort loin.
Or à ce moment dans la rue passait la vieille Dame Civette, commère du lieu, et habile langue de vipère. Entendant le son si étrange et discordant, elle s'exclama:
-Ce n'est pas possible! Il est en train d'égorger un cochon celui-là.
Et les rumeurs faisant leur travail, il était devenu peu de temps après, l'homme à la barbe bleue, celui qui étrangle des jeunes filles.
Cependant, comme il n'en savait rien, il continua à jouer de son instrument chaque soir, et la vilaine histoire n'en fut que ravivée.
Un jour qu'il ne faisait rien, on frappa à sa porte.
-Monsieur? Êtes-vous là? Je suis madame la voisine, mes deux filles et moi même venons vous présenter nos respects.
Comme il avait passé du temps à bricoler sa moto, son visage était enduit de cambouis, et sa barbe bleue plus emmêlée que jamais. Et lorsqu'il ouvrit la porte les trois femmes frémirent. Mais la mère, se rattrapa bien vite.
-Bonjour, je suis votre voisine, madame Boleyn, et voici mes deux filles, Marie et Anne.
-Enchanté dit-il, je suis monsieur euh...Monsieur barbebleu (comme on peut le voir, il manquait cruellement d'imagination). Bienvenue dans mon humble demeure!
-Votre maison, est fort jolie, je dois vous le dire! Ajouta madame Boleyn. Sans indiscrétion, combien gagnez vous comme rente?
-Ma foi, j'ai fait de forts bons placements boursiers et...Madame Boleyn ne le laissa pas terminer et ajouta:
-Parce que vous voyez, ma fille Marie, ici présente, cherche un mari, alors je me demandais si par hasard vous seriez intéressé.
-Mais c'est que...Il ne put pas continuer, car à présent la dénommée Marie, sur les ordres de sa mère s'était mise à tourner sur elle-même, dévoilant un fessier bien ferme, des seins tout aussi jolis, et finalement une dentition parfaite.
-C'est bon, Marie, tu peux fermer la bouche maintenant! Dit sa mère. Sauf si monsieur Barbebleu souhaite examiner. Elle est robuste, ne rechigne point à la tâche, et elle fait la cuisine.

L'homme fut séduit. Une belle jeunette comme celle là! Il n'aurait pas pu dire non.
Marie emménagea le soir même, sa sœur Anne pleurant de grosses larmes:
-N'y va pas Marie! Disait-elle! Tu sais ce que l'on dit! Tu sais ce qu'il fait aux femmes!
Il n'y prêta pas attention, parce qu'après tout, Anne était grosse, assez moche, et puis son appareil dentaire empêchait que l'on comprit bien ce qu'elle disait.
Heureux comme tout, notre homme fit visiter sa grande maison à sa nouvelle femme. Mais il la mit toutefois en garde:
-Voyez-vous Marie, vous êtes ici chez vous. D'ailleurs voici un trousseau des clés. Je ne vous demande qu'une seule chose. Vous voyez la petite porte là-bas? N'entrez jamais dans cette pièce. Sinon j'en serais fort embêté, les conséquences en seraient terribles, et je devrais me débarrasser de vous au plus vite, par pendaison peut-être, ou alors je vous empoisonnerais, je ne sais pas encore. Bien allons diner.

Marie se fit assez vite à sa nouvelle vie. Barbe bleue était un homme généreux, il lui achetait de beaux vêtements, des bijoux, et lui laissait même commander des ustensiles au télé-achat. Jamais il ne posa de question devant la pierre à dégeler la viande, la crème anti cellulite à la bave d'escargots ou le body trainer merveilleusement fantastique qu'elle avait commandé, entre autre choses.
Mais un jour, il lui dit, d'un air fort sérieux:
-Ma chère Marie, je dois m'absenter. Je ne sais pour combien de temps, je laisse la maison entre vos mains. Et j'ose croire que comme je vous l'ai demandé, vous n'irez pas ouvrir la petite porte.
-Je vous le promets mon cher mari dit-elle. Mais où allez-vous?
-Je ne peux pas vous le dire...Mais je reviendrai très vite. En fait, il comptait repasser dans son ancienne maison, histoire de trouver un accord avec son ancienne femme, mais ça, vraiment il ne pouvait pas le dire, parce que c'était un peu maladroit et puis cela ne regardait que lui.
Donc, il enfila sa culotte, ses bottes de moto, un blouson de cuir noir avec un aigle sur le dos, et il partit comme un boulet de canon, semant la terreur dans toute la région.
Marie resta donc seule, tentant d'obéir à son époux et de ne pas franchir la porte interdite. Mais après avoir éclusé tout le chocolat des placards, vaguement regardé un feuilleton, elle n'y tint plus. Elle devait ouvrir cette porte.
Toute excitée du secret qu'elle allait découvrir, elle courut dans l'escalier et arrivée à la porte, elle enfonça la clé qui tourna lentement. D'abord, elle ne vit rien. Puis elle trouva l'interrupteur. Ce qu'elle vit alors la cloua sur place d'horreur. Des perruques, du maquillage, des robes pleines de paillettes extravagantes... C'était comme si son mari entreposait les restes de femmes mortes! Elle sortit en courant, s'emmêlant au passage dans un boa en plume.
Son premier réflexe fut de partir prévenir sa mère. Mais elle ne trouva à la maison que sa sœur Anne, leur mère étant partie au marché.
Elle se jeta sur sa elle, encore tremblante:
-Anne! Viens! Je t'en prie, il faut que je te montre quelque chose, j'ai besoin d'aide!
Elles repartirent donc toutes deux en direction de la maison de la barbe bleue.
-Monte au deuxième étage, je prends des gants en plastique et je te rejoint. Anne obéit, et partit dans les escaliers.
Elle avait à peine disparu qu'un grondement de moteur se faisait entendre, le mari de Marie revenait de son mystérieux rendez-vous. Il était content, car il s'était avéré que sa femme, habituée à être servie en tous points dans sa vie quotidienne, avait fini par mourir de faim, attendant que son mari vienne lui apporter le repas. Cela le satisfaisait de ne pas avoir eu à s'expliquer, et c'est de bonne humeur qu'il franchit la porte de la maison.
-Marie! Ma chère! Me voilà de retour. Lorsqu'il la vit, toute pâle, et apeurée, il comprit instantanément.
-Ma chère femme, quelles jolies plumes vous avez sur votre robe. Lui dit-il.
_Oui, je suis allée me promener dans la forêt, et un vol d'oiseau s'est jeté sur moi. Répondit-elle, tremblante.

-Mais ma chère Marie, ce sont des plumes d'autruches. Les autruches ne volent pas, et de plus vous n'en trouverez point dans notre hémisphère, à moins d'être allée dans un élevage, or je sais qu'il n'y en a pas par ici, car s'il y en avait un je le saurais, je suis très au fait de tout ça, car la viande de ces oiseaux est très bonne, avec une sauce au champignon, c'est délicieux....Mais je m'emporte...Vous avez pénétré dans la pièce interdite petite garce! Vociféra t-il.
Ah et maintenant vous devez bien vous moquer. Ouh il se déguise en femme! Ouh quel damoiseau, quel eunuque, AAAH! Je ne le supporte pas! Nul ne doit savoir cela! Je m'en vais prendre mon coutelas, et vous faire la peau!
La pauvre jeune fille terrifiée tomba à genoux, pleurant toutes les larmes de son corps, elle implora:
-Monsieur mon mari, je vous en prie, accordez moi une dernière volonté! Laissez moi prier Dieu avant de mourir!
-Je t'accorde dix minutes pas plus!
Elle monta à l'étage, et sachant que sa mère, qui en femme prévoyante ne se séparait jamais de sa bombe lacrymogène, allait arriver rapidement de ses courses, elle demanda:

-Sœur Anne, sœur Anne, ne vois tu rien venir?

-Hélas non, il fait noir comme dans un four.

-C'est parce que tu dois ouvrir la tenture.

-Ah oui! C'est nettement plus clair! Mais non, je ne vois que le trottoir qui trottoie et le gazon qui gazonne.

Ah ce moment, venant d'en bas, la barbe bleue poussa un rugissement terrible!

-Marie! Voulez vous venir ou le vous traine ici! Mon coutelas attend!

-Je vous en conjure mon doux mari, j'ai tant de choses à confesser. Ensuite elle ajouta beaucoup plus bas, alors sœur Anne toujours rien?

-Que non ma sœur! Je ne vois que le trottoir qui trottoie et le gazon..

-Oui ça va merci! Merci pour les métaphores mais ça ne va pas m'empêcher de me faire charcuter!

-Marie! Cria la grosse voix d'en bas cette fois je monte!

-Oui Seigneur, un instant, je m'onctionne le saint sacrement!

-Ici sœur Anne: J'aperçois une twingo qui twingotte! Oh oui pour sur elle twingotte!

De fait, la sœur Anne avait vu juste. Un instant plus tard, madame Boleyn débarquait en coup de vent, et en entendant les cris de ses filles aspergea copieusement de gaz les yeux de la barbe bleue.
Comme son mari n'avait pas d'autre héritier, Marie se vit comblée des nombreux biens de son mari, qui avait été mis en service psychiatrique.
Elle en fit profiter son entourage, qui loua sa bonté et sa gentillesse. Plus personne n'entendit parler de la barbe bleue, et elles vécurent très heureuses jusqu'à la fin de leurs jours.

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